Après avoir observé un des plus petits trous dans la couche d’ozone au-dessus du Pôle Sud fin 2019, l’atmosphère nous réserve une nouvelle surprise : le plus grand trou dans la couche d’ozone au-dessus du Pôle Nord jamais observé. Bien que ces deux phénomènes ne soient pas liés, ils se développent via le même processus.
Afin de comprendre ce qu’il se passe, nous devons retourner quelques années en arrière, plus précisément dans la période 1970-1995, lorsque les chlorofluorocarbures, les CFC, étaient répandus à grande échelle par l’industrie. Ces CFC ont atteint la stratosphère, une couche de l’atmosphère qui s’étend d’environ 10 à 50 km au-dessus de la surface terrestre. Etant donné que ces gaz ont une très longue durée de vie (plus de 100 ans pour certains), ils s’y trouvent toujours à l’heure actuelle. Ces CFC affectent la couche d’ozone, notre “protection solaire”, qui retient une majeure partie du rayonnement UV solaire, dangereux pour nous.
La présence du trou dans la couche d’ozone au-dessus du Pôle Sud est un phénomène annuel, commençant en août pour disparaître en novembre. Portés par des courants aériens (le vortex polaire), les CFC encore présents se retrouvent rassemblés chaque année dans la stratosphère glacée de l’hiver, à environ 15 à 25 km d’altitude. Pendant les mois d’hiver du Pôle Sud (entre juin et août, lorsqu’aucun rayon du soleil n’atteint l’Antarctique), les températures chutent à -78°C voire moins, à ces altitudes. A cause de ces températures très basses, les CFC forment, avec les rares traces d’eau présente là-haut (sous forme de glace ou de vapeur) les fameux nuages nacrés. Lorsque la lumière du soleil atteint enfin ces nuages (lors du printemps austral, entre septembre et novembre), les CFC présents vont pouvoir casser les molécules d’ozone de manière très active, car cette réaction chimique nécessite une exposition aux rayons UV solaires. En septembre 2019, les températures observées à environ 20 km d’altitude au-dessus du Pôle Sud étaient de 16 °C plus élevées que la moyenne de ces quarante dernières années, soit environ -90°C. Ceci eut pour conséquence d’affaiblir le vortex polaire, résultant en un trou de la couche d’ozone au Pôle Sud beaucoup plus petit que ceux précédemment observés.
Il se produit en ce printemps exactement l’inverse au-dessus du Pôle Nord : les températures qui y sont observées à environ 20 km d’altitude atteignent des valeurs minimales record et le vortex polaire est exceptionnellement fort. Bien que la lumière printanière du soleil soit de retour au-dessus du Pôle Nord, des nuages nacrés sont toujours observés au niveau du vortex polaire. Cette situation exceptionnelle provoque la présence d’un trou dans la couche d’ozone. La présence d’un trou dans la couche d’ozone au-dessus du Pôle Nord est un phénomène remarquable : de tels trous ne se sont formés qu’en 1997 et en 2011 (soit environ 1 fois par décennie), et le trou actuellement observé semble être le plus large des trois. Dans les semaines qui viennent, la lumière du soleil va réchauffer la stratosphère au-dessus du Pôle Nord, faisant disparaître les nuages nacrés, et laissant le trou dans la couche d’ozone se résorber de lui-même.
En résumé, le petit trou de la couche d’ozone au-dessus du Pôle sud de fin 2019 ainsi que le trou très puissant présent pour l’instant au-desus du Pôle Nord ne sont pas directement liés l’un à l’autre, mais ils sont le résultat des mêmes dynamiques atmosphérique et chimique se déroulant au-dessus de chaque Pôle.
Unité Dobson : unité de mesure de l’épaisseur totale de la couche d’ozone. Une épaisseur de 300 Unité Dobson (DU) signifie que, si toutes les molécules d’ozone étaient observées étaient présentes à la surface de la terre (par 0°C et 1000 hPa), elles formeraient une couche d’une épaisseur de 3 mm au sol.
Trou dans la couche d’ozone : nous parlons de “trou” lorsque l’épaisseur de la couche d’ozone est inférieure à 220 DU.
Evolution de l’épaisseur de la couche d’ozone au-dessus du Pôle Nord, entre le 1 novembre 2019 et maintenant, sur base des observations satellitaires. La légende de couleurs est identique à celle de la dernière figure. Crédits: https://ozonewatch.gsfc.nasa.gov
Evolution des épaisseurs moyennes de la couche d’ozone au-dessus du Pôle Nord pendant le mois de mars, entre 1979 et maintenant, sur base des observations satellitaires. La légende de couleurs est identique à celle de la dernière figure. Crédits: https://ozonewatch.gsfc.nasa.gov