Ce mercredi 4 décembre, EUMETSAT a déclaré opérationnel son premier satellite de la série Meteosat Troisième Génération (MTG), qui est donc renommé officiellement Meteosat-12. Le système d’imagerie à bord de ce satellite, appelé le Flexible Combined Imager (FCI), est très attendu par nos équipes de prévisionnistes, mais également par les chercheurs de l’IRM.
Par exemple, la Dre. Ermioni Dimitropoulou utilise les images Meteosat pour estimer l’effet de réchauffement du climat dû aux trainées de condensation des avions dans le cadre d’un projet européen appelé E-CONTRAIL (https://www.econtrail.com). Ermioni nous explique : « Je suis vraiment impatiente d’utiliser les images du nouveau satellite. La meilleure résolution spatiale est primordiale pour mes études des contrails (« condensation trails » en anglais). Ce satellite permettra de mieux les détecter et également de mieux quantifier l’effet qu’ils ont sur le climat. Cet effet n’est vraiment pas négligeable et on pense qu’il est probablement supérieur au réchauffement induit par le C02 émit par l’avion lui-même ! Dans les années qui viennent, des stratégies devront être implémentées pour réduire la création de ces trainées. Ici aussi, le Meteosat-12 sera très utile pour vérifier l’efficacité de ces mesures. »
Le Dr. Tom Akkermans, lui, exploite les images des satellites météorologiques dans le cadre d’un projet européen dédié au monitoring du climat, le Climate Monitoring SAF d’EUMETSAT. Il nous explique : « Mon intérêt vient principalement des nouvelles bandes spectrales qu’apporte ce nouveau satellite. Nos plus longues séries climatiques sont basées sur l’instrument AVHRR (Radiomètre Avancé à Très Haute Résolution) qui ne proposait que 5 bandes spectrales. Ensuite, nous avons aussi développé des séries sur base des 11 bandes spectrales des Meteosat de la seconde génération. Ici, avec le Flexible Combined Imager (FCI) présent sur le nouveau satellite, nous avons 16 bandes spectrales qui nous permettent d’observer le bilan radiatif dans beaucoup plus de régions, en particulier l’effet de la vapeur d’eau grâce à un nouveau canal à 0.9µm ou l’effet des nuages de glace à 1.3µm. C’est vraiment un instrument incroyable pour les climatologues !»
Améliorer la précision de la mesure des pluies instantanées est un sujet de recherche important à l’IRM. De meilleures estimations permettent de faire de meilleures prévisions de pluie, ce qui est crucial lors d’évènements extrêmes qui peuvent entraîner des inondations. Dans ce cadre, Arthur Moraux, également chercheur à l’Institut, développe une nouvelle méthode basée sur l’intelligence artificielle. Il nous explique : « Le but est d’utiliser le plus d’observations possible afin d’améliorer la précision des estimations. La méthode est dite « multimodale » car elle utilise plusieurs modes d’observations, incluant des pluviomètres, des radars météorologiques ainsi que des observations satellitaires. Afin de combiner ces différentes observations, un modèle de deep learning est utilisé. Dans cette recherche, les données satellitaires utilisées proviennent du Meteosat de seconde génération. En remplaçant ces données par celles du Meteosat de troisième génération, qui offrent une meilleure résolution temporelle et spatiale, nous espérons améliorer encore la précision de nos estimations de pluie. »
Les recherches d’Arthur peuvent être schématisées comme suit :
Plusieurs autres équipes de recherche pourront également exploiter ce nouvel instrument, par exemple pour estimer l’évapotranspiration des surfaces terrestres, c’est-à-dire le transfert de molécules d’eau entre la surface et l’atmosphère. Une meilleure résolution spatiale devrait permettre des applications en gestion agricole et forestière, en particulier pour une meilleure gestion de l’irrigation. Le domaine des énergies renouvelables n’est pas en reste, et les données du dernier Meteosat seront utilisées dans le cadre du projet E-TREND de Belspo. A terme, un nouveau module de prévision du rayonnement solaire sera développé qui permettra de prédire la production des panneaux photovoltaïques à très courte échéance pour une meilleure gestion des réseaux haute-tension.
Mais ce n’est pas tout. En plus du système d’imagerie FCI, le satellite possède un nouvel instrument appelé Lightning Imager (LI). Le Dr. Felix Erdmann nous explique son intérêt pour l’Institut: « L’IRM étudie depuis quelques années comment les observations de la foudre peuvent contribuer à la prévision des orages violents (1,2). Un phénomène remarquable, le lightning jump (LJ), peut nous y aider. Il s’agit d’une augmentation soudaine de l’activité électrique dans une cellule orageuse, souvent un indicateur que l’orage devient plus intense et potentiellement plus dangereux. Pour détecter ce type de changements à temps, il est essentiel de suivre en continu l’évolution des cellules orageuses. Cela est rendu possible grâce à des instruments spécialement conçus à bord de satellites géostationnaires, qui cartographient l’activité électrique à l’échelle continentale. Le Lightning Imager (LI), un instrument embarqué sur les derniers satellites Meteosat de Troisième Génération (MTG), permet pour la première fois ce type d’observation en Europe. Ces observations offrent un outil potentiel pour développer à l’avenir un système d’alerte pour les phénomènes météorologiques dangereux, permettant ainsi d’identifier les orages les plus menaçants à un stade précoce et de les suivre plus précisément. Cela ouvre des opportunités pour mieux avertir les populations face aux conditions météorologiques extrêmes. »
La figure ci-dessous montre l’activité électrique et les lightning jumps enregistrés lors d’un orage violent aux États-Unis le 9 avril 2021.
1. Article scientifique: Automated Lightning Jump (LJ) Detection from Geostationary Satellite Data
EUMETSAT: Europe’s most advanced weather satellite is now fully operational